Sébastien Loeb qui revient en rallye, c’est un gros coup médiatique et une publicité inespérée pour le championnat WRC. Mais attention aux dégâts collatéraux, y compris chez Citroën Racing…
Voilà bien longtemps que la presse spécialisée n’avait pas consacré autant de place au rallye. Le retour de Sébastien Loeb pour trois manches cette saison et après six ans d’absence est un événement. A tel point qu’on se demande ce que deviennent les autres pilotes… Heureusement, le départ de l’épreuve, ce vendredi, a permis de parler un peu d’autre chose, même si, étant donné ses performances (un temps scratch et une seconde place au générale ce vendredi soir), « Seb » était encore le pilote le plus sollicité à son retour au parc d’assistance ce vendredi soir, par la presse comme par le public.
Sous pression car c’est un grand champion qui ne veut pas perdre, mais sans pression car il ne joue pas le championnat, l’Alsacien tient le bon rôle au cœur d’une situation qui est en train de se transformer en phénomène. « C’est clair que je n’ai pas le même objectif que les autres pilotes, indique le Français. Je suis là avant tout pour m’amuser et prendre du plaisir, voir ce que je suis encore capable de faire. »
Une déclaration que l’on comprend et qui est légitime dans la bouche d’un nonuple champion du monde, mais qui pose des interrogations sur le dessein de Citroën en WRC. La marque aux chevrons dépenserait-elle des millions d’euros pour participer au Championnat du monde des rallyes afin que Loeb et Elena puissent « s’amuser et prendre du plaisir » ? On comprend le bénéfice d’image apporté par les deux champions, mais cela parait bien irrespectueux pour les autres écuries. Après avoir terminé le championnat en dernière position la saison passée, et après avoir refusé de recruter des pilotes capables d’amener des victoires rapidement comme par exemple Andreas Mikkelsen ou Sébastien Ogier, le constructeur français agit d’une bien curieuse manière.
Citroën, petit joueur
Certes, on peut applaudir le coup marketing qui consiste, trois ans après avoir viré Loeb, à le fait revenir par la grande porte en captant toute l’attention médiatique. On peut aussi comprendre que la branche sportive de la marque tente de redorer un blason devenu bien terne en compétition par la mise en avant, pour quelques courses, du pilote star qui a forgé son histoire en sport automobile. Mais comment ne pas penser aux autres pilotes de la marque et notamment Craig Breen, 2ème du rallye de Suède il y a trois semaines et devant Kris Meeke au Championnat, qui a dû laisser son volant à un « senior » de 44 ans, aussi prestigieux soit-il, pour qu’il « s’amuse » alors que son employeur prône par ailleurs le fait qu’il faille laisser une chance aux jeunes ?
On peut également se demander pourquoi Citroën, qui compte deux pilotes titulaires solides cette l’année, n’a pas mis à disposition de Loeb, son super VIP, une troisième C3 WRC alors que toutes les autres écuries alignent trois voitures ? Question de mentalité et de budget : Carlos Tavares, le président de PSA, pense que « le fait de devoir engager trois voitures est un mauvais service rendu à la discipline car cela créée une dimension inflationniste qui barre la route aux nouveaux entrants et met le championnat en danger. » Une théorie respectable tant le contrôle des coûts est un sujet important en sport automobile, lequel est aujourd’hui uniquement considéré comme un outil marketing. Mais était-ce vraiment le moment de faire des économies alors que la marque aurait pu capitaliser sur une très belle histoire à travers Loeb, son champion de référence, Meeke, sa valeur sûre, et Breen, son étoile montante ?
Le buzz est bien là, mais il n’est pas complet. Dans les colonnes d’AUTOhebdo, en janvier dernier, Carlos Tavares expliquait que Citroën Racing n’avait aucune honte à n’engager que deux voitures en respectant sa philosophie, c’est-à-dire avoir « d’un côté un pilote très rapide mis dans les meilleures conditions psychologiques, et d’un autre la promotion d’un jeune ». Au rallye du Mexique, le line-up des pilote Citroën affiche alors un âge moyen de 41 ans (44 ans pour Loeb, et 38 ans pour Meeke), alors que Breen n’a que 28 ans. Cherchez l’erreur.
Dommages collatéraux
En marge de ces constatations, il convient de ne pas bouder son plaisir. Car il est vrai que pour tous les amateurs de rallye et les professionnels du secteur,voir Loeb revenir, même pour trois manches, est un réel plaisir. Au Mexique, autour du stand Citroën, c’est l’émeute. Partout dans le monde du rallye et auprès du grand public, y compris en France, son retour a généré une attente formidable car c’est de loin le pilote le plus populaire de tous. Pour la marque, c’est donc hyper positif.
Mais alors que des incertitudes planaient sur le niveau de performance de l’Alsacien et de son copilote monégasque, il convient de songer au genre de conséquence que pourrait avoir un bon résultat au Mexique. A l’heure où nous écrivons ces lignes, l’équipage Citroën Racing est 2ème au classement général, à 7,9 secondes de la Hyundai i20 de Dani Sordo alors qu’ils ont loupé une intersection dans l’ES7… Le moins que l’on puisse dire, c’est qu’ils sont dans le coup ! « On n’ira pas prendre de risque pour aller chercher le dernier dixième, indiquait néanmoins Daniel Elena ce vendredi soir. Mais si on peut gagner ou faire un podium on ne se gênera pas. Est-ce qu’on s’attendait à ce résultat ce soir ? Honnêtement, oui. Les quelques rallyes nationaux qu’on a faits ensemble récemment nous ont permis de constater que nous avions toujours les automatismes. En outre, je sais que Seb a encore de la réserve et nous avons une position de départ favorable. Alors, on verra bien. »
Si Loeb et Elena font un podium ou gagnent dimanche après-midi – ils en ont les moyens et dorénavant tout le monde le sait- la vie ne sera plus jamais comme avant en rallye. Car quel signal lanceraient-ils aux concurrents des 5 dernières années ? Quel relief supplémentaire donneraient-ils aux contre-performances récentes de Citroën ? Enfin, quel message enverraient-ils à Kris Meeke, souvent à la peine, sans parler de la frustration et du sentiment d’injustice ressentis par Craig Breen, le jeune espoir de Citroën laissé à pieds ce week-end ?
Derrière la satisfaction de façade et le plaisir d’une victoire qu’il conviendrait de savourer, ce triomphe serait également une claque monumentale pour tous les concurrents mais aussi Citroën Racing. Car même si le duo Loeb/Elena est hors normes, son résultat va pointer du doigt trop de choses négatives pour que le rallye -et Citroën Racing- ne réagissent pas. Finalement, est-ce que le retour de Loeb est une bonne nouvelle pour le WRC ? A vous de nous le dire !
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