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Photo du rédacteurJérémy

Iran : Pourquoi PSA et Renault cartonnent

Dernière mise à jour : 11 avr. 2018



Alors que le prince héritier Mohammed Ben Salmane visite la France, PSA et dans une moindre mesure Renault triomphent en Iran, l'ennemi chiite abhorré de l'Arabie saoudite. Dans un contexte politico-diplomatique incertain. Le succès en Iran n'empêche pas Renault de vendre 25.000 voitures en Arabie saoudite!

Mohammed Ben Salmane nourrit une forte animosité vis-à-vis de la politique française au Moyen-Orient. En visite officielle dans l'Hexagone, le prince héritier d'Arabie saoudite juge que Paris se montre trop conciliant avec l'Iran, l'ennemi traditionnel chiite de la monarchie wahhabite. La France avait en effet renoué avec Téhéran lors de la levée des sanctions internationales avec, en point d'orgue, la visite historique du président Hassan Rohani fin janvier 2016 à Paris. Celle-ci suivait l'entrée en vigueur de l'accord sur le nucléaire. A cette occasion, PSA avait notamment signé un accord majeur, lui permettant de reprendre les fructueuses relations avec son vieux partenaire Iran Khodro. Depuis, l'automobile française apparaît comme le fer de lance et l'un des meilleurs symboles de la difficile réconciliation entre l'Europe occidentale et l'Iran.

Dans un contexte politique extrêmement compliqué, aggravé par l'implication de Téhéran dans le conflit syrien aux côtés du dictateur Bachar El Assad, l'industrie automobile française cartonne en Iran. Même si elle se retrouve dans l'attente des déclarations du président américain, qui doit se prononcer sur le fameux accord concernant le nucléaire iranien à la mi-mai prochaine. Donald Trump avait lancé, le 12 janvier 2018, un ultimatum aux Européens afin qu'ils l'aident à durcir ledit accord dans les prochains mois pour éviter un retrait de Washington du processus…

Une domination tricolore flagrante

Paradoxalement, l'Iran est l'un des rares pays du monde où la domination automobile tricolore est aussi flagrante. Avec 40% de part de marché. Pour des raisons remontant au… temps du Chah. Peugeot y a atteint les 443.000 livraisons l'an passé - pas loin de son record de 2010 (461.000), avant son retrait du pays en 2012 sous la pression de son éphémère allié de l'époque, l'américain General Motors. Dans le même temps, Peugeot a livré à peine 960 unités en Arabie saoudite ! Renault a pour sa part vendu l'an dernier en Iran 162.000 véhicules (+50%). Moins implanté que PSA, Renault est en revanche un acteur bien moins marginal que son compatriote en Arabie Saoudite. En 2017, Renault avait en effet livré 25.000 voitures au royaume (9.200 " SUV " Koleos importés de Corée, 8.200 berlines Talisman, 3.700 Espace).

En Iran, il ne s'agit certes pas de véhicules de première jeunesse. La firme au lion écoule dans le pays la vieille 405 (lancée en France en 1987), facilement réparable et pas chère (8.000 euros), mais également la 206 (1998). Ces deux véhicules sont restés en production sur place pendant la phase de retrait officiel de Peugeot, avec des pièces de contrefaçon chinoise… à la qualité exécrable. La 405 a même donné lieu à des dérivés qui sont vendus sous d'autres marques. Renault fabrique pour sa part depuis le milieu des années 2000 la Tondar, une Logan de première génération (2004), rejointe par la Sandero (2007).

Nouveaux modèles en vue

Mais, les nouveaux modèles arrivent. Peugeot est en train d'industrialiser la 301 (une 208 rallongée à carrosserie classique avec coffre séparé) près de Téhéran. Une co-entreprise à 50-50 a été établie avec la société d'Etat Iran Khodro. Cette 301 sera commercialisée au second semestre 2018. Et ce, après la mise en production du " SUV " 2008, premier véhicule moderne de la production automobile iranienne. Avec, au début, un taux d'intégration local encore faible de 20%, mais qui devrait monter à 40% dans un an. Les premières 2008 locales ont été livrées aux clients en mars dernier. Enfin, la petite 208 arrivera dans quelques mois.

Et ce n'est pas fini. Trois modèles Citroën sont aussi prévus. L'industrialisation de la petite C3 démarre ce mois-ci sur le site de Kashan (situé à 250 kilomètres au sud de Téhéran). Une société à 50-50 a vu le jour, cette fois avec le groupe local Saipa. Les volumes envisagés pour les nouveaux véhicules sont de 200.000 exemplaires annuels pour Peugeot avec un investissement de 400 millions d'euros, dont une bonne partie a déjà été effectuée. L'accord de Citroën avec Saipa prévoit la production de 150.000 exemplaires annuels vers 2021, pour 300 millions d'euros d'investissement.

Renault compte pour sa part fabriquer des Logan II et des " SUV " Duster II à terme. La firme au losange a signé en août dernier un nouvel accord avec le fonds d'investissement public Idro et Parto Negin Naseh. Ces deux partenaires devraient détenir chacun 20% du capital de la co-entreprise, dont Renault possédera les 60% restants. Mais les négociations sont toujours en cours. La co-entreprise, qui doit s'installer à Saveh (à 120 kilomètres au sud-ouest de Téhéran), n'est toujours pas constituée. Une usine, un centre d'achats et une ingénierie locale sont prévus pour produire 150.000 véhicules et moteurs par an.

Des atouts majeurs

Malgré la situation politico-diplomatique difficile, l'Iran a des atouts majeurs. Les coûts salariaux sont relativement bas, soit 4 euros de l'heure pour un opérateur à Kashan, 8 à Téhéran. C'est un peu plus élevé qu'au Maroc, mais moins qu'en Europe de l'est. La main d'œuvre a aussi l'avantage d'être extrêmement bien formée. Car le niveau d'éducation dans le pays est élevé.

Mais c'est surtout le marché qui est prometteur, avec de bonnes infrastructures routières. Il a atteint un record de 1,6 million d'unités en 2011, avant de retomber à moins de 800.000 en 2013, après les sanctions internationales. Il a regrimpé à 1,1 million en 2015, 1,3 million en 2016 et 1,5 million l'an passé. Il y a 200 voitures pour 1.000 habitants, soit davantage que la moyenne mondiale (160), mais le taux demeure 3,5 fois inférieur à celui de l'Europe. Il existe donc un gros potentiel, avec de surcroît une classe moyenne importante.

Une vieille histoire d'amour

Pour l'automobile française, avec l'Iran c'est une longue histoire d'amour. Dès 1968, Citroën fabriquait la Jyane (la Dyane dérivée de la 2CV). Quelques Méhari locales ont aussi vu le jour. Mais, surtout, en 1978, PSA reprend… Chrysler Europe. Or, la branche britannique du groupe américain avait établi dans les années 60 une base de production cruciale avec Iran Khodro, pour fabriquer sur place la Paykan, une berline de gamme moyenne Hillmann Hunter rebaptisée. Cette voiture, encore omniprésente sur les routes, sera longtemps la voiture nationale iranienne. La fabrication ne s'est d'ailleurs arrêtée que récemment, en 2009 pour la berline, 2015 pour son dérivé pick-up.

PSA prend donc logiquement la suite de Chrysler UK. Le français en profite pour introduire en 1991 la Peugeot 405 chez Iran Khodro, qui remplacera progressivement la Paykan dans le cœur des iraniens. Puis, en 2001, arrive la 206. Une version de cette dernière avec coffre séparé, censément plus flatteuse, est lancée en 2006. Des Citroën Xantia ont également été produites, chez Saipa, dans les années 2000. Renault a aussi fait figure de pionnier. La R5 a été ainsi fabriquée dans les années 1970 et 1980.

L'avenir des constructeurs tricolores dans le pays repose aujourd'hui en partie sur la politique américaine vis-à-vis de l'Iran, le conflit interne entre durs et éléments plus libéraux au sein du régime théocratique opaque établi à Téhéran depuis 1979, ainsi que de l'avenir de la politique iranienne au Proche-Orient ! De vastes incertitudes, dont PSA et Renault ne détiennent pas les clés.

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