En 5 ans, Citroën a multiplié ses ventes par 15 en Colombie grâce aux efforts d'un nouvel importateur et au succès du C4 Cactus qui montre toute la pertinence du choix de le fabriquer sur place. Daniel Herrera Escobar dirige Citroën en Colombie et, en exclusivité pour le site, il revient sur l'histoire de Citroën et les raisons qui ont conduit la marque à entrer dans le Top 15 des marques les plus vendues en Colombies en 2021.
Depuis quand Citroën est-elle présente en Colombie ?
La marque Citroën existe en Colombie depuis bien plus de 70 ans, ayant vu la commercialisation de quelques Traction-Avant, 2CV, DS 19 et DS 21 par la voie d´importateurs indépendants. Dans les années 80, la représentation dans le pays est assumée par l´importateur Parra Arango avec une structure plus robuste et formelle qu’auparavant, allant de la commercialisation des CX, BX et XM à celle de la Saxo, Xsara, Xantia, Picasso, etc. A partir de 2016, l´importation et distribution est assurée par Derco Colombia SAS, filiale du groupe Chilien « Derco SpA », leader dans la commercialisation de véhicules dans le couloir pacifique du continent sud-américain et en tête des ventes dans des marchés comme le Chili, le Pérou ou la Bolivie.
Vous êtes importateur officiel de Citroën en Colombie. Quels sont précisément vos
métiers ? Quel est votre niveau d’indépendance par rapport à Citroën ?
Aujourd´hui, la différence entre un « importateur » et une « filiale » devient de plus en plus maigre. La marque doit être « une seule et même », peu importe le pays où elle est présente et peu importe si celui qui distribue les véhicules est un importateur tiers ou une filiale de Stellantis.
Nous opérons dans un cadre de liberté contrôlée où Stellantis fixe des standards opérationnels à respecter (identité de marque, formation des équipes, communication et marketing, etc) que nous nous chargeons de déployer dans le pays. On détermine ensemble les objectifs de vente pour l´année, basés sur une stratégie produit et sur des objectifs de pricing power. L´importateur est ensuite libre de déterminer la façon dont ses objectifs seront atteints, par la voie d´une stratégie locale adapté à la fois aux standards de la marque mais aussi aux spécificités du marché. L´importateur est libre également de bâtir cette stratégie vis-à-vis de ses partenaires locaux (réseau de distribution et concessionnaires), en actant notamment sur la politique commerciale, rémunération du réseau, politique des prix de vente conseillés, etc. En tant qu´importateurs, nous devons formuler les demandes de production auprès du constructeur et sommes responsables de la manutention d´un niveau de stock convenable, du moment où le constructeur est capable de produire ce qu’on lui demande. Enfin, l´importateur reste libre de définir sa gamme produit (niveaux, équipements standard et options) dans un cadre fixé par Stellantis, ainsi que responsable d´obtenir les homologations locales pour chaque nouveau modèle à partir des documentations livrées par le constructeur.
Est-ce vous qui organisait la gamme en fonction du marché colombien ?
Oui. Citroën nous propose une gamme de modèles, de groupes moto-propulseurs et de niveaux d'équipements qui sont disponibles pour la région et nous nous occupons de bâtir la gamme définitive que l´on proposera localement. Charge à nous également de définir les mix de vente (et les mix de production du coup), ainsi que la stratégie « sur le terrain » de montée en gamme, montée en prix, mix par canal de distribution, etc. Lorsqu´un modèle n´est pas disponible pour notre marché mais nous souhaitons l´introduire, on s’occupe de présenter un « Business Case » à évaluer conjointement avec le constructeur (prix, volumes, rentabilité, cohérence).
Quelle est l’image de Citroën en Colombie ? Que représente Citroën pour les
colombiens ?
L´image de Citroën en Colombie est en train d´évoluer. Pendant de longues années, la marque était perçue comme une marque française haut de gamme assez excentrique, proposant des véhicules technologiques mais manquant en équipements à la fois, de qualité mais assez chers à l´achat, chers à entretenir et avec un réseau de distribution et d’après-vente limité. Depuis le changement d´importateur envers Derco Colombia SAS, nous avons construit une nouvelle stratégie produit, positionnement et réseau visant à donner à la marque bien plus de pertinence, plus d´exposition partout dans le pays, plus de confiance au client, plus de compétitivité et plus d´attractivité au niveau des produits mais aussi au niveau de la communication.
Aujourd´hui, Citroën commence à se repositionner au cœur du marché. La marque reste aspirationnelle, un peu chic et placée au-dessus de la moyenne du marché (politique de pricing power) mais est plus proche, plus pertinente et plus répandue. Elle est connue maintenant par la modernité et différentiation de sa gamme où ce n´est pas C-Elysée qui fait les volumes ou qui porte la marque, mais plutôt des modèles comme C4 Cactus, C5 Aircross ou encore C3 (modèle européen) qui le font. La marque reste toutefois ancrée sur les classes moyennes-hautes et hautes, bien que ses ambitions soient de séduire de plus en plus de clients des classes moyennes, un créneau où le programme C-Cubed sera déterminant.
En 5 ans, Citroën a multiplié ses ventes par 15 en Colombie. Comment expliquez-vous ce résultat ?
C´est le fruit d´un travail constant, avec des objectifs de long terme se traduisant par des objectifs à plus court terme et ancré sur une vision partagée entre le constructeur, l’importateur et le réseau de distribution du potentiel de la marque dans le pays. On peut citer plusieurs facteurs qui ont contribué à la performance de la marque ces 5 dernières années, dont :
La qualité professionnelle et la passion des équipes. Celle du côté de l´importateur (la marque en Colombie) est vraiment remarquable et c´est celle qui a fait office de locomotive face à une tâche complexe de réintroduction de la marque. Celle du côté du réseau ont fait un vote de confiance, ont cru et ont investi dans la marque. Ils se sont convaincus que la tâche qui semblait improbable pour beaucoup était tout à fait possible, du moment que l´on travaille tous pour un seul et même objectif et que l´on est prêt à remonter la pente et les difficultés.
La puissance d´un importateur musclé, qui possède l´expérience et qui propose un réseau de distribution prêt à donner de la pertinence au niveau pays.
Le renouvellement de la gamme avec des produits plus attractifs, mieux équipés et surtout, mieux expliqués au client lorsqu´il visite une concession (on vend de la valeur produit/marque plutôt qu´un prix).
Une politique commerciale agressive. Des objectifs de vente ambitieux par région et par concession, une rémunération du canal de distribution au client progressive avec l´atteinte d'objectifs, des prix faciaux robustes et en phase avec les objectifs de pricing power mais en même temps, une agressivité au niveau showroom visant à favoriser les volumes et l´expansion de la marque plutôt que la rentabilité unitaire.
Plus de transparence envers les clients au niveau de l´après-vente, une meilleure image de marque et d´importateur auxquels on peut faire confiance lors de l´achat et
une culture de « satisfaction client » à tous les niveaux.
Qu’attendez-vous de la nouvelle C3 ? Et plus globalement, du programme C-cubed ?
L´objectif de nouvelle C3, premier opus du programme C-Cubed est clair : La « popularisation » de la marque au sens noble. En gros, le programme C-Cubed doit poursuivre le chemin ouvert par C4 Cactus. Il va proposer des véhicules adaptés aux goûts et aux attentes locales, avec un rapport prix/équipements/marque difficile à égaler et une attractivité produit permettant de séduire la clientèle. La voiture permet aussi de continuer à construire une gamme cohérente, jouant sur le boom des « SUV » et des Crossover. Nouvelle C3 sera notre deuxième « coup de poing sur la table » après C4 Cactus et devra ouvrir à la marque les portes d´un segment où nous ne sommes pas présents aujourd´hui, celui des B-Hatch/Cross modernes au tarif contenu. Les autres modèles du programme C-Cubed viendront compléter la gamme afin d´élargir les segments couverts et faisant le lien entre la gamme « Amérique Latine » et la gamme Européenne, avec des propositions conçues pour séduire le public local.
Comment est perçue la nouvelle C3 sur le marché colombie ?
Le public Colombien n´est pas aussi « mûr » en termes d´automobile qu´en Europe. Excepté les plus «passionnés d´automobile », les gens ne suivent pas l´actualité des lancements ailleurs qu´en Colombie. Du coup, la plupart des gens ne savent pas vraiment ce que l´on leur prépare actuellement ! Cela dit, nous venons de réaliser quelques études de marché avec des focus groupes dont le profil correspond à celui des clients que nous ciblons pour nouvelle C3. La réponse est assez unanime : Un produit fort séduisant, nouveau, inattendu, situé à mi-chemin entre une berline et un SUV et dont le positionnement prix devrait être un atout par rapport à ce que le produit communique au client comme valeur. Nous n'avons plus qu´à lancer la voiture dans le marché, puis à nous procurer assez de stock pour suivre la dynamique commerciale que nouvelle C3 apportera à la marque !
Le C4 Cactus rencontre un grand succès en Amérique Latine. Comment expliquez-vous ce succès ? Pourquoi plaît-il autant ?
Il s´agit de la recette ayant donné pied à celle du programme C-Cubed. Un produit aux allures de SUV, avec des équipements et des spécificités design ciblant le marché d’Amérique Latine, un rapport prix/équipement assez avantageux et une marque aux doubles-chevrons qui fait parler d´elle et qui donne beaucoup d´envie de possession !
Le marché de la région est particulier étant donné ses goûts, ses priorités, son rapport avec l´automobile et son pouvoir d´achat. Bien que les produits Européens ou ceux conçus pour des marchés « mûrs » et à fort pouvoir d´achat trouvent leur place dans les gammes moyennes-hautes et hautes, nous avons besoin de produits conçus « pour nous » dans les gammes plus basses. Ce n´est pas une recette nouvelle car nombre de constructeurs l´ont déjà utilisée par le passé. Ce qui est nouveau par contre est que Citroën se lance dans cette direction, une marque au positionnement très Européen et un peu éloigné du public par le passé mais qui décide d´aller plaire au plus grand nombre en restant à la fois française mais adaptée aux coutumes notamment colombiennes.
Peut-on imaginer des versions spécifiques au marché colombiens comme des séries spéciales ?
Bien sûr que oui. On y travaille en fait, notamment pour C4 Cactus. Les séries spéciales et le co-branding sont une excellente façon de donner du « peps » à la marque, de la faire rester fraîche et actuelle ou encore de la rendre plus proche du client Colombien. Cependant, les séries spéciales ou les versions spécifiques nécessitent d´une marque aux volumes suffisamment importants pour rendre la version pertinente et viable d´un point de vue économique. Elles nécessitent de disposer également de niveaux de stock suffisants afin d´alimenter le réseau et afin d´éviter des clients insatisfaits par le manque de stock de produit disponible immédiatement. Du coup, on préfère laisser cette initiative pour un peu plus tard dans l´année, lorsque les stocks commenceront à se normaliser.
La gamme Citroën en Colombie comprend également les SUV C3 Aircross et C5 Aircross, alors qu’ils sont absents dans d’autres pays de la région. Pourquoi avoir fait ce choix ?
Nous avons fait le choix de développer une marque bâtie sur l´image que le public avait de Citroën par le passé mais en la renforçant et en la rendant plus pertinente pour les clients. Le client Colombien est assez exigeant vis-à-vis du produit et des technologies qu´on lui propose. Bien qu´il ne soit pas un spécialiste, le client cherche très souvent des véhicules modernes, actuels, avec des technologies de pointe. C´est paradoxal mais on cherche à avoir les mêmes produits que les marchés plus développés mais en moins cher. Cela fait du marché Colombien l´un des plus compétitifs de la région. Nous avons compris cela depuis le départ, ce qui nous a forcé à définir une gamme riche, bien équipée, centrée sur des versions de milieu ou haut de gamme pour chaque modèle afin de répondre aux attentes client.
Par cette voie, nous avons voulu avoir une gamme très moderne et en rupture avec ce que le marché avait l´habitude d´avoir chez Citroën, une gamme « dans le coup ». Du coup, nous avons fait le choix pour la C3 Européenne plutôt que pour la version Brésilienne il y a quelques années. De la même façon, nous avons compris que la marque devait construire à partir de l´orientation SUV croissante du marché, une carrosserie perçue comme plus adaptée à la géographie et au réseau routier, plus valorisante, reflétant plus de « réussite » au niveau du propriétaire. Le choix a été assez logique alors : Surfer la vague SUV, d´abord avec C3 Aircross, puis C5 Aircross comme modèle phare de la marque et le meilleur exposant de sa philosophie Citroën Advanced Comfort, puis venir busculer le marché avec l´offre C4 Cactus. Dans les cartons aujourd´hui et dans le cadre de cette même stratégie : C-Cubed et Citroën C4 dans sa version européenne.
Est-ce que la nouvelle C4 va intégrer le marché colombien ? Et la C5 X peut-elle intégrer le marché ?
La nouvelle C4 fait partie des produits que nous étudions pour intégrer notre gamme, faisant le pont entre C4 Cactus et C5 Aircross, avec un positionnement SUV/Crossover. Nous espérons donner des nouvelles au marché par rapport à cela au cours du dernier trimestre de l´année en cours, à partir du moment où nous pourrons confirmer que le projet répond aux objectifs de volume, de motorisation et d'équipements, de positionnement et de pertinence pour notre marché.
La situation avec Citroën C5 X est plus compliquée. Ici, le concept produit entre la berline, le break et le SUV n´est peut-être pas le plus adapté aux attentes des clients du segment D local. En Colombie, ce segment-là est dominé par les SUV au sein des marques généralistes et où seules les marques Premium proposent encore des berlines, avec des parts de marché décroissantes chaque année toutefois. Par ailleurs, le lieu de fabrication de C5 X la rendrait très peu compétitive en Colombie où les taxes d'importation sont variables selon le pays de fabrication du véhicule. Étant assemblée en Chine actuellement, les véhicules d´un tel sourcing paieraient des droits douaniers d´importation de 35% sur leur prix tandis que les véhicules fabriqués localement, au Mexique, dans le Mercosur, voire en Europe ne paient pas ses droits-là. Avec ce surcout artificiel de 35%, nous croyons que cela rendrait C5 X non-compétitive dans l´état actuel du marché.
Citroën va proposer une gamme adaptée aux marchés locaux (C-cubed) tout en proposant des modèles européens donc plus chers ? N’est-ce pas un problème ? Comment cela sera perçu par les consommateurs ?
Pas du tout. La marque que nous avons en tête doit proposer une gamme « 4 All ». Cela veut dire que nous devons avoir une offre démarrant à des tarifs en phase avec le pouvoir d´achat du plus grand nombre, ce qu´implique des produits issus du programme C-Cubed. La montée en gamme se fera dans la même gamme « Amérique Latine » dans un premier temps, avec des véhicules plus chers mais qui proposent d´avantage de valeur, ce qui paraît assez cohérent aux yeux du client. Enfin, la gamme restera coiffée par les modèles de sourcing Europe, ceux qui lui donnent sa renommée, ceux qui proposent encore plus de qualité perçue et ceux qui portent l´image de la marque vers le haut. Encore une fois, le consommateur Colombien est assez exigeant en termes de produit, de rapport qualité/prix et de qualité perçue, pas forcément dans le même ordre en fonction du segment. Ce que nous visons est de proposer un mix entre ces trois critères-là en fonction des segments, en allant chercher une gamme soit axée sur la compétitivité et sur le meilleur rapport prix/produit/équipements, soit axée sur la technologie et sur la valeur et qualité perçues.
Citroën est dans le top 15 sur le marché colombien. Quels sont vos objectifs d’ici 5 ans ?
Les objectifs sont clairs et nous visons assez haut, surtout lorsque l´on tient compte de là où nous avons débuté il y cinq ans et si l´on tient compte des spécificités du marché Colombien où la part des Véhicules Utilitaires (point fort Citroën à l´échelle mondiale) est très faible aujourd´hui.
Dans ce contexte, je peux dire que Citroën vise une place dans le TOP 10 du marché VP+VU d´ici 5 ans, ce qui pour nous voudra dire une part de marché de 2,5% au moins. Bien entendu, cela implique d’aller côtoyer avec des marques traditionnelles et bien établies dans le marché. Ce « TOP 10 » implique non pas seulement d’atteindre des volumes conséquents par la voie de la stratégie produit/positionnement dont nous avons parlé auparavant, mais aussi de continuer à assurer la satisfaction de nos clients, le développement du réseau de distribution, l´expansion vers certaines régions du pays où nous ne sommes pas présents aujourd´hui et bien entendu, le déploiement de notre stratégie de « mobilité durable pour tous » par la voie de l´électrification partielle ou totale de l´offre selon les segments.
Pourquoi il est pas en France ce Monsieur. On a besoin de gens comme lui et pas de branquignolles. Je ne site personne mais...
Il connait bien ses clients ( le marché local ) !
Franchement je lui trouve un style intemporel à notre Cactus,
un peu comme la pluriel son style ne vieilli pas vraiment
Une bien bonne interview. Des réponses claires expliquant bien la stratégie sans être bourrées d'éléments de langage comme on en trouve un peu trop souvent dans tous les domaines.