Initialement programmée pour un numéro de La Revue Passion DS, l'interview de Guilhem de Survilliers nous permet de mieux comprendre les restylages opérés par DS sur ses deux SUV ainsi que les objectifs et ambitions de la marque premium française de Stellantis. Directeur de la gamme DS, Guilhem de Survilliers nous apporte des réponses très intéressantes qui permettent de tracer quelques perspectives pour les prochains modèles.
Vous avez restylé vos deux SUV, DS 3 et DS 7 simultanément. Alors que le DS 7 est un succès pour la marque, il subit de gros changements contrairement au DS 3. Pourquoi ?
La démarche est un peu différente d'abord parce qu' il s'agit de segments différents. Donc nous ne traitons pas de la même façon le restylage d’un C-SUV et celui d’un B-SUV. Alors commençons par DS 3. Nous lui avons donné comme sur DS 7, la nouvelle identité de marque avec une nouvelle signature lumineuse, avec une calandre un peu plus travaillée, un peu plus musclée. De même, sur la partie arrière, nous l’avons un peu modifié puisque avec la disparition du ‘Crossback’ qui a laissé place et est devenu « DS Automobiles ». Nous avons aussi pas mal investi à l'intérieur puisque nous passons au nouveau système multimédia, c'est quelque chose qui peut être moins visible mais qui nécessite un développement important, quelque chose d’assez lourd.
Quant à DS 7, nous avons été très agréablement surpris par son positionnement de plus en plus haut de gamme et donc on touche des clients de plus en plus exigeants et face à ses clients plus exigeants, qui paient par ailleurs de plus en plus cher, nous ne pouvions pas proposer un simple remodelage de la face avant. Donc nous avons fait la face avant mais il fallait aussi que ça soit cohérent avec l'arrière. En fait, le cahier des charges de la nouvelle DS 7 était de dire que la voiture soit nouvelle quel que soit l'angle sous lequel on la regarde. C’est le cas puisque, quel que soit cet angle, nouvelle DS 7 est différente de la version originelle. C’est ce qui explique la profondeur des restylages constatés entre DS 3 et DS 7, les deux s’adressent à des segments différents, à des clients différents et doivent donc apporter des réponses différentes.
A côté du changement de style, il y a un changement de patronyme qui peut être important notamment pour DS3 puisque, du coup, elle devient une remplaçante directe à l’iconique DS3. C'est un sacré challenge. Est-ce que vous n'avez pas peur justement que l’on compare la nouvelle DS 3 à la première du nom ?
C’est un risque que nous avons pris au lancement de DS 3 Crossback mais aujourd’hui ce n’est plus du tout le cas. Nouvelle DS 3 et l’ancienne sont deux voitures totalement différentes qui n’ont rien en commun. Si la première DS 3 était une icône qui a fortement contribué à la naissance de DS en tant que marque (ndlr : juin 2014) , nous n 'avons absolument pas voulu la reproduire même si elle reprend l’aileron de requin sur la face latérale mais retravaillé et remis au goût du jour. Donc non, nous ne voyons pas de risque de confusion entre une DS 3 originelle et une nouvelle DS 3 issue de DS 3 CROSSBACK.
Pour continuer sur les patronymes, avec ces restylages, DS3 et DS 7 changent de genre pour devenir de genre féminin alors que ce sont des SUV. . Quelles en sont la raison ?
Nous avons préféré simplifier les noms parce que crossback (ndlr : attribué à l’origine pour les silhouettes SUV des modèles DS) c'est un peu long et tout le monde disait DS 7 ou DS 3. Cela permettait, par ailleurs, de faire disparaître l’appellation ‘crossback’ à l'arrière et de faire apparaître DS Automobiles qui signe désormais l'arrière de ces deux modèles. Maintenant le changement de genre n’a pas réellement d’importance, c’est vraiment lié à la simplification et au fait que DS 3 et DS 7 sont exclusivement des SUV. Dorénavant, c’est la DS 3 ou la DS 7 comme on dit la voiture.
Avec les restylages de DS 3 et DS 7, la gamme DS automobiles est harmonisée avec DS 4 notamment sur ses faces avant.? C’était une réelle volonté d’harmoniser la gamme ?
Bon d'abord, chaque véhicule à sa personnalité propre, le traitement d'une DS 7 n’est pas le même qu’une DS 3 mais, en revanche, il y a une inspiration qui est commune avec une nouvelle signature lumineuse et ses DRL verticaux que nous traitons différemment selon le segment.
Dans le cas de DS 7, il s'agit d’une nouvelle technologie très spécifique avec une pièce qui est peinte exactement dans la couleur de la carrosserie puis ensuite grattée au laser pour que la lumière se diffuse à travers la pièce, ce qui donne un effet de finesse et précision très haut de gamme. Pour DS 3, l'inspiration est la même mais le traitement est plus simple avec simplement deux traits verticaux lumineux de chaque côté de la calandre. Cela permet de créer une certaine cohésion dans les signatures lumineuses de nos modèles véhicules. Pour le reste vous aurez vu que les faces avant proposent une calandre avant qui est plus large, les angles sont plus marqués, les Wings ont été simplifiés, ils sont plus acérés afin de renforcer l’impression de muscles et de nerfs.
Sur DS 3, vous avez développé une nouvelle couleur Rouge Diva spécifique à DS 3. Quelle est la raison ?
Ce rouge est en rappel à un prototype présenté à Shanghai en 2013 qui présentait une couleur extrêmement raffinée qui superposait les couches de base, de laque et de vernis ce qui permettait de créer une profondeur dans la teinte et développait l'éclat tout en donnant à la voiture un aspect différent selon l’angle de vue et la lumière. Nous avons développé cette technologie pour Nouvelle DS 3 parce que nous pensons que c'est un véhicule plutôt compacte, plutôt urbaine sur laquelle ce type de teinte peut être demandé. Et, plus nous montons en gamme, plus il est difficile de prendre des couleurs vives un peu flashy. Donc nous l’avons développée pour nouvelle DS 3 et le résultat est vraiment réussi avec un rendu très haut de gamme, très valorisant.
Est-ce qu’on peut imaginer un tel rouge sur DS4 ?
Nous verrons par la suite mais pour l'instant le Rouge Diva est strictement réservé à Nouvelle DS 3 car cela nous semble plus adapté au segment B.
Et est-ce qu’à l’avenir, on peut imaginer des couleurs spécifiques aussi pour chaque nouveau modèle ?
Nous pouvons aussi imaginer des teintes qui soient produites de façon ponctuelle pour certains modèles de la gamme dans le cadre de collection annuelle. il n’y a rien d’arrêté à ce stade mais on pense que la couleur et le traitement de l'aspect extérieur de la voiture est quelque chose d'important et qui nous permet aussi de se distinguer par rapport à certains de nos concurrents. C'est une certaine façon d’exploiter un savoir-faire au-delà des gris, des noirs ou des teintes sombres que nous rencontrons dans le segment premium.
Sur ce restylage, DS3 inaugure le nouveau moteur électrique développé par Stellantis. Quel avantage procure ce nouveau moteur?
Alors le nouveau moteur est internalisé, il développe une meilleure puissance (156 ch contre 136), il a un meilleur rendement ce qui est fondamental sur les véhicules électriques et il associe une nouvelle batterie qui est d'une capacité supérieure qui permet d'atteindre les 404km d’autonomie. Cet ensemble donne une polyvalence beaucoup plus forte à la voiture. Nous pensons que pour un SUV compact 400 km c'est bien et ça nous distingue sur ce segment là.
Quel est la part des ventes du DS 3 E-tense sur l’ensemble de la gamme ?
Sur 2021, le DS 3 E-TENSE représentait un peu moins de 25% des ventes sur l’Europe et on voit que ça continue de croître puisqu’en 2022, nous devrions être autour des 30% voire un peu plus. Donc avec cette nouvelle offre qui est beaucoup plus compétitive avec ce restylage, on pense que la part de DS 3 E-TENSE va encore augmenter selon les évolutions du marché, des bonus et de la capacité du client à passer le cap de l’électrique.
A fin 2022, les ventes de Ds se répartissaient comme suit :
26% DS 3 CROSSBACK ; 30% DS 4 ; 40% DS 7 CROSSBACK et Nouvelle DS 7 ; 4% DS 9 ;
38% de ventes en LEV soit +3pts (périmètre : monde) Plus de 40% en Europe : un chiffre qui ne cesse de progresser : 1 commande sur 2 en version électrifiée
Mix commandes LEV : 37% de DS 3 vendues sont E-TENSE, 100% electrique (+12pts vs 2021), 41% DS 4 vendues sont E-TENSE PHEV, 58% DS 7 vendues sont E-TENSE PHEV (Focus France = le PHEV Premium le plus vendu en France) tandis que 88% DS 9 vendues sont E-TENSE PHEV]
Peut-on imaginer une version de DS 3 E-Tense plus puissante à l’avenir ?
En fait, actuellement, le nouveau moteur électrique permet à Nouvelle DS 3 d’être une voiture qui est extrêmement agréable, très vive, très souple également. Une voiture qui a un gabarit compact donc on est sur une motorisation qui rend le modèle très réactif et très agréable à conduire. Avec 156ch, nous sommes au bon niveau du marché donc nous allons commencer par observer ce que ça donne avec ce moteur qui offre des prestations dynamiques au top niveau.
Combien de temps a duré le restylage de DS 3 ?
Donc là nous sommes fin 2022 (NDLR : date à laquelle l'interview a été réalisée), l'engagement du véhicule a été fait en juin 2020, il a fallu deux ans et demi. Il y a des études menées avant bien entendu mais également en parallèle notamment sur le développement du moteur électrique. Donc si on met tout, bout à bout, (techniques, style, projet) ça donne effectivement deux ans et demi pour avoir un projet précis et une date de présentation définie.
Ce doit être particulièrement compliqué d'avoir un véhicule qui sort avec finalement assez peu de recul sur le ressenti et la perception qu'en font les clients et d'imaginer déjà le restylage.
C’est un travail constant en fait, nous sommes toujours en train de travailler, de chercher et de développer la gamme. C’est l’ensemble des domaines qui est difficile à gérer puisque certains développements mettent plus de temps que d’autres et tout doit être prêt à une date déterminée. Par exemple, l’intégration du nouveau système multimédia dans Nouvelle DS 3 et Nouvelle DS 7 a demandé beaucoup de travail aux équipes, on ne s’en rend pas forcément compte mais intégrer un nouveau système, plus fluide, plus réactif, en remplacement d’un autre système ce n’est pas simple sur un restylage.
Si on passe sur DS7 , le restylage montre nettement moins de chrome alors qu’auparavant la marque en mettait beaucoup. Qu'est-ce qui explique ce retournement de tendance ?
Il y a une tendance actuelle qui est un peu moins de chrome mais il y a surtout une démarche de DS qui va vers moins de carbone avec l’objectif d’être neutre en carbone à terme et le chrome est un élément qui demande beaucoup de carbone. Certes, vu la quantité, on est dans l’ordre du symbole parce que, évidemment, ce n'est pas la quantité de chrome qui est sur une DS 7 ou sur une DS 3 qui va mettre en péril l'équilibre complet du bilan carbone de la voiture mais c'est une démarche importante. Enfin, sur DS 7 CROSSBACK, nous avions lancé une édition limitée Ligne Noire qui a très bien marché et qui a montré qu’il y avait une réelle appétence du public pour des véhicules présentant moins de chrome. Nous avons tenu compte de cela pour les restylages aussi bien celui de DS 7 que celui de DS 3.
Vous n'allez pas tomber dans la tendance de certaines marques de mettre des logos noirs qui fait qu’on ne remarque plus le logo ?
Il est à constater qu'une DS se reconnaît à autre chose que son logo parce que c'est quand même un style très caractéristique et une signature lumineuse. Maintenant, entre tout noir ou tout chromé, c’est un subtil réglage à trouver.
Sur DS7, vous avez abandonné les moteurs thermiques purs, vous ne proposez que des hybrides rechargeables mais vous conservez une version diesel, pourquoi ?
C’est simplement une question de marché car aujourd’hui il y a encore une fraction de la clientèle qui achète du diesel parce qu’ils font beaucoup de kilomètres et de longues distances sans arrêt et qui trouve une pompe pour remplir le réservoir partout. Même si le passage à l’électrique va très vite, tous les clients ne sont pas mûrs, pour ce passage, il reste environ 30 %. C'est simplement une question de vitesse de transition qui dépend de beaucoup de facteurs comme le coût de l'énergie, le différentiel de coût entre l'essence et l’électrique, la densité de l'infrastructure, les aides environnementales. Il y a aussi, en France notamment mais aussi en Italie, une tradition de diesel qui a été ancrée depuis des dizaines d'années, par des politiques fiscales, notamment. Le diesel décroît fortement et représente presque une niche mais une niche à 30% nécessite une réponse.
Pour ce restylage, contrairement aux autres marques de Stellantis, vous avez gardé le levier de vitesse type Cobra au lieu des commandes dites ë-toggle. Pourquoi ?
Tout simplement parce que nos clients sont contents de ce levier cobra, qu’ils jugent qualitatif et avec une bonne préhension et il correspond bien à la philosophie des modèles. Le changement de levier aurait également nécessité de réaménager toute la console centrale ce qui aurait nécessité beaucoup d’investissements pour le restylage. Donc il ne nous a pas semblé important de changer le levier de vitesses.
Vous avez annoncé qu’en 2024, toutes les nouvelles DS ne seraient qu’exclusivement électriques. N’est-ce pas un risque pour le développement de la gamme ?
Nous sommes en pleine transition vers le tout électrique et DS est pionnière dans Stellantis depuis le début et accélère. A un moment, il faut être cohérent avec nos convictions à partir de 2024, tous les nouveaux modèles lancés, le seront exclusivement en version 100% électrique.
On sait que Stellantis développe de nouvelles plateformes électriques dont la STLA Medium où il est question de 700 km d’autonomie. Cela devrait régler les problèmes d’autonomie ou de contrainte de recharge?
Alors nous l’avons déjà annoncé, DS va lancer tous ses prochains nouveaux modèles exclusivement en version électrique et la marque va inaugurer le premier programme 100% électrique de la plateforme STLA medium avec 700km d’autonomie. Les modèles actuellement dans la gamme aujourd'hui vont finir leur vie avec des motorisations thermiques/hybrides, nous sommes dans une transition qui est bien démarrée et qu’on calibre au plus juste. En cohérence avec le marché qui évolue fortement vers l'électrique, DS est une marque premium française.
Quelle est la répartition des ventes entre professionnels et particuliers ?
Ça dépend des segments. Il y a une plus grande proportion de vente à professionnel dans les segments les plus élevés. Sur nouvelle DS 3 par exemple, nous nous adressons davantage à des professions libérales qu’à des flottes tandis qu’avec nouvelle DS 7 nous nous adressons plutôt à des catégories différentes où la voiture est proposée à certains types d’employés.
DS 7 est le SUV premium le plus vendu en Argentine, qu’est-ce qui explique cette performance ?
Et DS 3 CROSSBACK se classe en 2ème place ce qui nous permet d’être dans le trio de tête des marques Premium, DS se classe troisième en Argentine derrière deux concurrents allemands et elle le fait avec deux modèles essentiellement alors que nos concurrents en proposent davantage. Il y a plusieurs raisons qui peuvent expliquer cela notamment le fait que l'Argentine est culturellement proche de l’Europe. Par ailleurs, c'est un mode de vie qui est assez proche de ce que nous avons dans le sud de l’Europe, là où le DS 7 marche bien également. Ça ne m'étonne pas tellement que ça plaise en Argentine aussi. Après, il faut aussi dire que les volumes sont réduits, le segment n’est pas très développé mais c’est une fierté de voir nos deux modèles aux avant-postes du segment premium. mais je n’en tirerai pas de grandes conclusions statistiques. Ca fait plaisir à voir d’autant plus que cela a été quasiment instantané puisque le jour où les DS Stores ont été en place, notamment à Buenos Aires, il y a eu une dynamique qui s’est créée puis l’équipe sur place est très dynamique également. En tous cas, c’est un plaisir et une fierté d’être dans ce trio de tête.
Quelles sont vos ambitions sur DS 3 et DS 7?
Clairement sur DS 7 c'est de transformer l'essai. On a une Nouvelle DS 7 qui a fait une première partie de carrière remarquable,qui nous a épaté et permis de faire une montée en gamme progressive du véhicule, avec des équipements, une technologie et une finition au meilleur niveau. On voit que ça marche. Ça marche bien donc on veut transformer l'essai et c'est pour ça notamment que les motorisations vont de plus en plus vers le haut avec maintenant la version hybride 4x4 de 360 chevaux. C'est pour ça que nous avons choisi d'investir profondément dans ce restylage, de faire quelque chose de très visible et d’améliorer encore les prestations de la voiture. L'équation est un peu différente pour Nouvelle DS 3 puisque le segment B-SUV Premium n’est pas un segment qui est en croissance. Ce qu'on veut c'est que ce soit la version de la maturité de la voiture qui prépare la transition de la marque vers l'électrification d’où l’importance de DS 3 E-TENSE électrique qui est très polyvalente et nous pensons que la voiture va vraiment poser ses repères sur le marché avec cette version-là.
Cette interview initialement prévu pour La Revue Passion DS, cela veut-il dire qu'elle n'a pas été publiée ?
Si c'est le cas, je le comprends, les réponses étant lacunaires pour la raison qu'il n'a rien à dire, à nous divulguer, que nous connaissions déjà. Il nous parle du système multimédia compliqué à mettre en œuvre, de peintures multicouches, de couleur, de signatures visuelles au laser. Je me demande s'il parle d'une voiture de luxe ou d'un auditorium.
Je ressens beaucoup de prudence dans cet interview, qui dévoile bien peu de choses. Sans doute le point de bascule, se fera lors la conversion totale à l'électrique. Ce second étage de la fusée, nécessite d'être très prudent sur sa stratégie, pour réussir on lancement. Ce que je comprends, c'est la rupture avec ce que l'on connait. Il est dit: Les modèles de la gamme actuelle n'en feront pas partie, mais signeront la fin de la première étape: la naissance de DS en tant que marque. Les modèles "nouvelle ère", seront on pouvait s'y attendre, purement électriques, mais étudiés à cette fin, s'émancipant de toute obligation d'assurer la continuité. Seul impératif: Concrétiser ce futur proche, et ne plus l'imaginer. C'e…