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Les actualités Citroën 

Photo du rédacteurJérémy

Interview de Carlos Tavares



Le week-end dernier, j’ai essayé le DS7 Crossback. Il y avait deux choix de motorisations, on m’a conseillé un diesel. Le diesel bashing, le prix du gazole qui ne cesse d’augmenter… Est-ce que vous me conseillez encore d’acheter un diesel ?

Ce n’est pas à un constructeur de dicter votre comportement. Notre rôle c’est de vous apporter des solutions de mobilité. Diesel, hybride rechargeable, électrique… Quelle est la meilleure technologie ? La triche de la part de l’un de nos concurrents allemands a porté atteinte à la crédibilité de tous les constructeurs. Nous sommes devenus inaudibles sur ce sujet. Mais il y a un fait : depuis que le diesel bashing a été mis en œuvre, les émissions de CO2 ont considérablement augmenté, conséquence de l’effondrement du marché du diesel, pourtant beaucoup plus performant en matière de consommation.

J’ai découvert votre concept car E-Legend. Vous avez annoncé aussi une 208 100% électrique. Vous allez vers le tout électrique ?

Sur les quinze prochaines années, le marché est imprévisible. Ce qui est certain, c’est que si on ne respecte pas les objectifs en termes d’émissions de CO2, nous serons victimes de montants d’amende colossaux qui mettraient notre entreprise en difficulté. Les pouvoirs publics ont pris la décision scientifique de dire : ce sont les véhicules électriques qu’il faut vendre. Donc nous engageons une offensive hyperpuissante sur l’électrique, sans précédent dans l’histoire de l’entreprise et qui nous conduira à avoir en 2025, 100% de nos modèles disponibles en version tout électrique ou hybride rechargeable.

On démarre à ce Mondial avec la DS3 Crossback E-Tense. Nous avons développé une stratégie pour être capable, sur une même ligne de montagne, de passer d’une motorisation essence à une diesel ou électrique, pour répondre aux souhaits de nos clients. Reste à savoir si nous avons une électricité propre, un réseau de bornes de recharge prêt, des méthodes de fabrication et de recyclage des batteries qui ont une empreinte carbone acceptable. Aujourd’hui, le débat n’est pas de savoir qu’elle est la bonne technologie pour protéger la planète. Les pouvoirs publics ont déjà tranché. On leur laisse la responsabilité scientifique d’imposer le choix de l’électrique aux citoyens.

À part l’électrique, travaillez-vous sur d’autres technologies alternatives ? L’hydrogène ?

Ces deux technologies ne sont pas en concurrence directe, car elles ne sont pas au même niveau de maturité. Nous avons plusieurs flottes à hydrogène en préparation. Mais se pose la question des infrastructures qui nécessite encore plus d’investissements que pour l’électrique et que les entreprises privées ne pourront pas faire. Est-ce que nos gouvernements sont capables d’investir les montants nécessaires ?

J’ai pu tester le mode semi-autonome sur le DS3 Crossback. Quand lancerez-vous un modèle 100% autonome ?

Le DS7 Crossback, je l’utilise au quotidien, il est remarquable avec son système d’aide à la conduite de niveau 2. Sur autoroute il suit le tracé tout seul, il a un régulateur de vitesse intelligent qui freine le véhicule sans toucher la pédale et redémarre sans toucher à l’accélérateur. C’est un objet confortable et sécurisant. Notre stratégie sur la voiture autonome, c’est de procéder par consolidation successive des différentes étapes. Nous ne sommes pas dans la course au premier arrivé au niveau 4, c’est-à-dire un véhicule où, au volant, vous pouvez faire autre chose. Certains concurrents ont brûlé ces étapes et se sont mis en difficulté à cause d’accidents graves. Notre véhicule 100 % autonome, vous le verrez entre 2023 et 2025. Je vous donne cette fenêtre car je veux pouvoir ajuster la date en fonction de la longueur des validations nécessaires.

En délocalisant des usines, j’estime que PSA assèche l’économie française puisque les salaires des ouvriers ne servent plus à faire vivre notre économie…

Je voudrais partager des faits. D’abord, nous sommes le premier producteur d’automobiles en France, avec près d’un million de véhicules par an. Ensuite, en France, nous exportons beaucoup plus de véhicules que nous n’en importons. Troisième élément : depuis cinq ans que je suis à la tête de PSA, il y a eu une augmentation spectaculaire de la part de la richesse créée, reversée aux salariés au travers de l’intéressement. Cela dépasse la stricte application de nos accords. Sur dix ans, le montant total des primes de toute nature est du même ordre de grandeur que les dividendes versés aux actionnaires : 1 milliard d’euros de chaque côté.

Un dernier point, plus sensible. Nous Européens, qui avons à cœur de protéger un mode de vie en société, nous avons intérêt à ce que vous, vous appelez « la délocalisation », et moi « aider les pays en voie développement ». Car cela constitue un élément de fixation des populations et contribue à la stabilité géopolitique des régions qui nous entourent. Et donc quelque part à la stabilité de l’Europe.

Que faites-vous pour la parité hommes-femmes ?

Si nous voulons apporter à nos consommateurs des besoins qui répondent à leurs attentes, il faut que nos équipes soient à l’image de la diversité de la société. Quand je suis arrivé, il n’y avait aucune femme au comité exécutif, il y en a trois. Sur dix-sept, ce n’est pas fantastique, mais c’est un progrès. Et on est en train de dépasser les 17 % de managers femmes. Ça peut paraître faible, mais au niveau de l’industrie, ce chiffre nous met en tête de peloton. Nous avons des progrès à faire et nous y travaillons. Par exemple, l’écart salarial entre les dirigeants hommes et femmes est en train de fondre. Pour être efficace nous devons aussi travailler dans un niveau de stress acceptable, qui passe notamment par un équilibre plus sain entre la vie personnelle et professionnelle.

C’est plus facile de rester au bureau jusqu’à 23 heures quand on est un homme…

Peut-être, mais c’est malsain. J’essaye de combattre, en commençant par donner l’exemple. Vous ne me trouverez jamais à 23 heures au bureau. Généralement je pars à 18 heures. Si on a les bonnes organisations avec les bonnes équipes, on peut faire un travail efficace à l’intérieur du temps qui nous est imparti. Rester longtemps au bureau, ce n’est pas ça qui fait la performance. Cela n’empêche pas de temps en temps des situations de crise où il faut s’investir plus.

Que diriez-vous à un jeune, ou à une femme, qui serait tenté par le secteur automobile, historiquement masculin ?

Je ne crois pas que PSA soit une entreprise d’hommes, que la nature de nos activités soit plus centrée sur eux. En revanche, notre industrie est d’une extrême dureté. De par la compétition qui s’y exerce et par sa vulnérabilité par rapport aux réglementations. Mais elle est aussi fabuleuse. La densité technologique des véhicules de demain est supérieure à l’aéronautique. C’est devenu une activité de sportifs de haut niveau. Si vous n’êtes pas à l’aise avec la quête obsessionnelle de la perfection et de la performance, surtout ne venez pas.

Pourquoi PSA a choisi d’être au Mondial de l’auto alors que plusieurs marques font l’impasse, dont Opel, qui fait partie de votre groupe ?

Nous décidons d’aller sur un salon en fonction de deux éléments. Un, si on a quelque chose à dire. Pour ce Mondial, nous avons énormément de nouveautés sur Peugeot, Citroën et DS. Mais nous n’en avons pas de significatives à annoncer pour Opel, ce qui explique que la marque n’est pas présente. Et deux, en fonction du rendement que nous pouvons tirer de la dépense. Un salon automobile, c’est un outil marketing parmi d’autres, évalué comme la publicité dans les journaux, à la télé, ou l’engagement dans un programme sportif. Si nous décidons d’y consacrer quelques millions plutôt qu’ailleurs, il doit démontrer sa rentabilité. C’est la raison pour laquelle il est important sur un salon d’un côté de réduire les coûts -nous les avons divisés par deux-, et de l’autre qu’on puisse établir le plus de contacts possible avec nos clients potentiels qui débouchent sur des commandes.

On a vu avec Renault ou Air France que l’État pouvait être un actionnaire encombrant. C’est le cas chez PSA ?

Jusqu’à présent, au niveau du conseil de surveillance, ça s’est très bien passé. C’est évidemment lié à nos très bons résultats. Au premier semestre 2018, nous avons eu un niveau de rentabilité supérieur à celle des constructeurs premium allemands. Ce qui, pour une entreprise qui se trouvait en quasi-faillite il y a cinq ans, est une performance qui est à porter au crédit des collaborateurs du groupe PSA.

L’obligation par les États-Unis de vous retirer du marché iranien, ça ne vous rend pas dingue de fureur ? Moi, cela m’ulcère !

Se retirer du marché iranien a été une décision très difficile et très frustrante à prendre. C’était reconnaître que les États-Unis avaient le pouvoir de faire plier l’Occident, et notamment l’Europe, sur ce sujet-là. C’est donc une décision qui s’inscrit dans un cadre où nous tous, autour de cette table, nous n’avons pas voulu d’une Europe forte. Résultat, nous Français, Espagnols, Allemands, Italiens, tout le monde, nous en payons le prix puisque nous ne sommes pas aujourd’hui capables de négocier d’égal à égal avec les États-Unis d’un côté, et la Chine de l’autre. Et nous devons en accepter les conséquences, qui sont que nous ne pesons pas dans ce genre de décision. Tant que nous Européens nous ne donnerons pas mandat à nos dirigeants de créer une Europe forte, nous continuerons à faire face à ce genre de situation. Et je le regrette vivement.

Vous vous apprêtez à renouveler l’un de vos produits phares, la 208. Qu’en attendez-vous ?

C’est une voiture tout à fait exceptionnelle, car même si elle se rapproche de la fin de son cycle de vie -ce qui n’est pas tout à fait pour demain- elle était encore il n’y a pas si longtemps sur le podium des ventes européennes de segment B. Mais il convient de ne pas regarder uniquement la performance commerciale d’un produit. Il faut également se préoccuper de l’efficience économique. En effet, pousser le métal sur le marché, en faisant des pertes, c’est très facile.

Il y a une telle compétition sur ce secteur que vous avez aujourd’hui bon nombre de chiffres de vente qui ne sont pas du tout représentatifs de la réelle performance commerciale de tel ou tel véhicule, mais plutôt du niveau de valeur détruite que certains constructeurs acceptent, pour présenter des chiffres de vente en apparence satisfaisants. Sauf qu’à la fin de l’année, on peut mesurer aisément ce que ces stratégies ont coûté. Je parle par exemple des ventes grises, ces véhicules immatriculés par les concessionnaires avant d’être revendus comme véhicules d’occasion. Ou encore les ventes à des loueurs, etc. Au sein de PSA, nous avons fait un gros effort là-dessus. Pour revenir sur la 208, nous sommes très confiants car cela reste un véhicule extrêmement compétitif.

Quels sont vos rapports avec Carlos Ghosn depuis votre départ de Renault ? C’est un frère ennemi ?

J’ai quitté Renault en très bons termes avec lui et nous avons gardé une entente tout à fait cordiale. Sans oublier, bien entendu, que nous sommes concurrents. C’est un grand dirigeant et il est important pour moi de l’écouter, tout comme les patrons des autres grandes marques.

Vous avez parlé de la répartition de la richesse chez PSA, mais votre salaire est largement au-dessus des autres. Comment le justifiez-vous ?

Au risque de vous choquer, ce n’est pas à moi de le justifier. D’abord parce que je ne décide pas de mon salaire. Je n’ai qu’une décision à prendre avec ma famille, c’est le jour où on me propose un salaire donné, de l’accepter ou pas. Tout comme ce n’est pas moi qui décide de mes objectifs, ni qui évalue mes résultats à la fin de l’année. Il y a, au sein de l’entreprise, un mode de gouvernance dual, avec d’un côté le directoire dont je suis le président, et de l’autre un conseil de surveillance qui définit à la fois les objectifs et les conditions salariales de ses membres, dont le président. Sur le plan sociétal, cette question s’inscrit dans un contexte de compétition mondiale. Pour faire gagner nos entreprises, il faut s’en donner les moyens.

Après toutes ces années passées dans l’automobile, la passion est-elle toujours là ?

Plus que jamais, mais elle doit être maîtrisée. Je suis dans le secteur depuis 1981. Ça commence à faire un petit moment… Le danger qui vous guette, après être allé chez Nissan, Renault, en Europe, en France, en Chine, aux États-Unis, c’est de finir par avoir le sentiment de savoir beaucoup de choses sur beaucoup de sujets. Or l’automobile est une industrie où tout va très vite. Il faut accepter de se remettre en cause en permanence et écouter des points de vue de ses collaborateurs qui sont en contradiction avec ce que vous avez vécu. Même si c’est vous qui prenez la décision à la fin.

Quelle voiture vous a procuré le plus d’émotion au volant ?

C’est une voiture de compétition, en 2006. Une monoplace GP2 châssis Dallara avec un moteur Mécachrome de 4 l pour 620 ch et 600 kg. Une fusée ! C’est la seule voiture que j’ai pu piloter dans laquelle j’ai vu défiler des images sans avoir le temps de les assimiler tellement ça allait vite. Vous ne réfléchissez plus, vous pilotez à l’instinct.

Qu’ont représenté vos années Renault ?

Une étape incroyable de mon existence, comme l’école Centrale auparavant, ma prépa maths sup maths spé au lycée Pierre de Fermat à Toulouse, ou encore mes études secondaires au lycée français Charles Lepierre de Lisbonne. Une étape où j’ai beaucoup appris et où j’ai encore énormément d’amis. Mais je suis également très heureux de l’étape que je conduis depuis cinq ans à PSA.

Où se situe PSA par rapport au scandale du dieselgate ?

Nous sommes sereins. On l’a dit et répété : nous avons toujours respecté toutes les normes. PSA est une victime, car cette tricherie s’est produite chez un de nos concurrents allemands et que tout le monde s’est empressé de mettre tous les constructeurs dans le même sac. C’est une grande source de tristesse pour l’ensemble des salariés qui travaillent dur et honnêtement au sein de PSA. La seule chose qu’on peut faire aujourd’hui, c’est de respecter strictement l’ensemble des règles et d’apporter les meilleures solutions en matière de fiabilité, de coût et de performance.


Source :

http://www.leparisien.fr/economie/carlos-tavares-psa-lance-une-offensive-sans-precedent-sur-les-vehicules-electriques-03-10-2018-7910382.php

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1 Comment


thierry d.
thierry d.
Oct 06, 2018

Encore une phrase qui va rester célèbre.

" En effet, pousser le métal sur le marché, en faisant des pertes, c’est très facile."


Quel patron !

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